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Le livre de Gildas Bernard en ligne sur ArchivesGenWeb vendredi 19 avril 2024
 
 

REGISTRES PAROISSIAUX ET ETAT CIVIL





AVANT LA REVOLUTION FRANCAISE




Les registres protestants.
 
 
Les registres protestants sont beaucoup plus dispersés que les registres de catholicité : Archives nationales, départementales, communales, hospitalières, privées. Pour les archives départementales, on les trouvera dans des fonds aussi divers que les séries B (justice d'Ancien Régime), C (Intendance), E (état civil), I (fonds divers), etc... En ce qui concerne les archives privées, signalons comme ayant des registres la Société de l'Histoire du Protestantisme (54, Rue des Saints-Pères, 75007 Paris) et certains chartriers de Châteaux.
 
Il convient tout d'abord de distinguer entre les Eglises réformées (calvinistes) qui furent officiellement interdites de 1685 à 1787, même en Alsace, et l'Eglise de la Confession d'Augsbourg (luthérienne) qui fut toujours tolérée en Alsace. La Confession d'Augsbourg a toujours tenu ses registres séparés. Il n'en est pas de même pour les calvinistes.
 
Calvin, retiré à Genève, y avait fait adopter le 20 novembre 1541 un projet d'ordonnance renfermant au sujet du baptême des prescriptions qui paraissent inspirées en partie de l'ordonnance royale de 1539 : "... qu'on enregistre les noms des enfants [baptisés], avec les noms de leurs parents ; que, s'il se trouvait quelque bâtard, la justice en soit avertie". En ce qui concerne les mariages, Calvin rappelle "la dénonce des bans accoutumée", mais n'ordonne point leur enregistrement. Quant aux sépultures, il se contente de donner à leur sujet des instructions de police. Le projet fut appliqué dès 1542 à Genève, mais semble être resté lettre morte chez les calvinistes français.
 
Il faudra attendre le premier synode national (1559) pour voir appliquer en France la création d'un état civil protestant (article 35 des décisions) : "Tant les mariages que les baptêmes seront enregistrés et gardés soigneusement en l'église, avec les noms des père et mère et parrains des enfants baptisés". Ce texte peut être considéré comme ayant pratiquement créé en France l'état civil des Réformés. Dès l'année suivante (1560), note B. Faucher 1, on voit tenir des registres à Caen, Loudun, Montpellier, Saint Jean du Gard et Vitré. Il aurait même existé à Saint Nazaire un registre de 1559 : un registre de l'église de Saint Lô dont le premier acte remontait à 1558, encore a-t-il disparu avec le reste des Archives de la Manche le 6 juin 1944.
 
Le synode de 1559 ne paraît pas avoir pensé que la tenue de ces registres dispensait les protestants de se soumettre à l'ordonnance de Villers Cotterêts, comme il ressort de l'article 8 des (faits spéciaux) examinés à ce synode : "Les frères de Saint Jean d'Angély ayant proposé s'il était licite aux fidèles de faire écrire le nom de leurs enfants dans les registres des prêtres papistes, nous leur avons répondu que, puisque c'était une ordonnance faite par le roi concernant la police, les ministres et le consistoire auront égard à la fin et intention de celui qui fait une telle chose et l'avertiront de prendre bien garde que par ce moyen il ne donne à entendre qu'il soit encore papiste".
 
En ce qui concerne les mariages, l'ordonnance royale de Blois (1579) dans son article 40 prévoyait la publication des bans pour éviter les mariages clandestins. Les protestants s'y soumirent également. Ils en avaient prévu le cas dès le synode de 1559 (article 24, des "faits spéciaux") qui leur permettait expressément de "faire proclamer leurs annonces dans le papisme, d'autant que c'est une chose purement politique". Ainsi, d'après le premier synode national, le prêtre catholique restait-il le véritable officier de l'état civil.
 
Il était évident qu'il y aurait des réticences tant du coté catholique que du coté protestant ; aussi le roi autorisa-t-il tout d'abord implicitement en 1562 les baptêmes protestants sous réserve de déclaration au greffe : "Et pour pourvoir aux différents qui se sont mus en divers lieux pour raison des baptêmes et sépultures, nous permettons, quant auxdits baptêmes, aux parents et parrains des enfants qui naîtront en tous lieux, sans nuls excepter, où il n'y aura aucun exercice de religion, qu'ils puissent porter baptiser leurs dits enfants, en compagnie de quatre ou cinq tant seulement, au prochain lieu où se fera ledit exercice, soit maison de gentilshommes ou autres à la charge toutefois qu'ils viendront aux juges des lieux de leur nativité, le jour que lesdits enfants seront nés, pour les faire enregistrer à part". Ce texte ne semble cependant avoir reçu qu'une faible application.
 
Ce n'est qu'en 1664, le 22 septembre, qu'un arrêt du conseil vint donner officiellement et expressément aux pasteurs la mission de constater et d'enregistrer légalement l'état civil de leurs ouailles (article 9) : "que les ministres tiendront registre des baptêmes et mariages qui se feront de la RPR, et en fourniront, de trois en trois mois, un extrait au greffe des bailliages". Notons que l'obligation de tenir les registres protestants en double vient précéder la même obligation pour les catholiques. Force était faite aux religionnaires de se déplacer pour faire leur déclaration au temple le plus proche. Or, de 1661 à 1682, quatre cents temples furent démolis.
 
Entre 1684 et 1685, un nouveau pas sera fait. Une série d'arrêts du Conseil autorisera les intendants du Languedoc, de Poitiers, de Pau, de Soissons, de Riom, à choisir "un nombre suffisant de ministres pour administrer le baptême aux enfants de ceux de la RPR" et prescrira auxdits ministres de "rapporter à la fin de chaque mois au greffe de la plus prochaine juridiction royale un état certifié d'eux des enfants qu'ils auront baptisés, pour être inséré sans frais sur un registre qui sera coté et paraphé par le premier juge ; à ce faire le greffier, tenu à peine de 500 livres d'amende". En principe, les religionnaires n'eurent plus à se rendre au temple. Il leur suffisait de faire la déclaration à un pasteur.
 
Mais tout allait être remis en cause, puisque l'édit de Nantes était révoqué en octobre 1685 : "A l'égard des enfants qui naîtront de ceux de ladite RPR, voulons qu'ils soient dorénavant baptisés par les curés des paroisses" précisera l'article 8 de l'édit révocatoire. Ainsi, dès la fin de 1685, nouveaux nés catholiques et protestants figurent-ils distinctement sur les registre paroissiaux. L'application des règles édictées par certains rituels diocésains permet dans bien des cas de reconnaître les baptêmes d'enfants issus des protestants jusqu'à la déclaration du 12 mai 1782 qui interdit au curés d'ajouter sur les registres paroissiaux "aucunes clauses, notes ou énonciations autres que celles contenues aux déclarations de ceux qui auront présenté les enfants au baptême". Il devint dès lors impossible de distinguer dans les registres les protestants des catholiques. Quant aux pasteurs, ils ne pouvaient plus enregistrer les actes puisque l'article 4 de l'édit de révocation les chassait du royaume dans les quinze jours.
 
En ce qui concerne les décès, une déclaration du 11 décembre 1685 vint réglementer la matière : deux témoins devaient notifier le décès au juge royal ou seigneurial le plus proche. L'article 13 de la déclaration du 9 avril 1736 prescrivait la formation de registres spéciaux pour les sépultures protestantes. Des centres comme Caen et Montauban possèdent ainsi des séries ininterrompues de registres, de 1737 à l'édit de tolérance de 1787 ; mais l'église protestante acceptait plus ou moins facilement de se plier à ces règles. Certains pasteurs tenaient leurs propres registres, notamment "au Désert", à partir de 1744.
 
L'édit de tolérance (novembre 1787) mis enfin un terme à cette situation absurde. Pour le passé, il fut demandé aux personnes mariées de faire une déclaration devant le curé ou le juge royal (art. 21-24). Pour l'avenir, les protestants étaient autorisés à faire les déclarations de naissance (Art. 25-26), de mariages (art. 8-20) et de décès (art. 27-30) soit devant le curé, soit devant le juge. Si la déclaration était faite devant le curé, celui-ci utilisait les mêmes registres que pour les catholiques. Les juges devaient utiliser des registres différents.

 

 
 
 
 

1. Benjamin Faucher, Les registres de l'Etat civil protestant depuis le XVIe siècle jusqu'à nos jours, extrait de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. LXXXIV, 1923, 42 p.
 
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