Encyclopédie 1879 du Cantal

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Histoire

Dans les premiers temps historiques, les Arvernes, une des plus anciennes, des plus riches et des plus puissantes tribus de la Gaule, occupaient le territoire actuel du département du Cantal. Quand les Romains vinrent les attaquer dans leurs montagnes, ils les avaient deux fois déjà chassés de l'Italie, envahie par leurs nombreuses légions. Après la chute de Gergovie et la défaite de Vercingétorix à Alaise ou Alésia (52 ans avant Jésus-Christ), ils leur accordèrent, en échange de leur soumission, une paix honorable, car ils leur laissèrent leurs lois et leurs libertés. Seulement l'ancien territoire des Arvernes, soumis dès lors, comme toute la Gaule vaincue, à la domination romaine, fit partie de la première Aquitaine. Cette domination y fut douce et civilisatrice. Aucune révolte n'y éclata contre les vainqueurs, dont les camps inutiles devinrent plus tard des centres de population importants.

Au troisième siècle de l'ère chrétienne, saint Mamet et saint Mary prêchèrent le christianisme dans la Haute Auvergne, et le Cantal adopta peu à peu la religion nouvelle.

Au cinquième siècle, en 475, pendant le règne débile de l'empereur Julius Népos, Euric ou Ewaric, roi des Wisigoths, établis depuis 412 dans l'Aquitaine, fit la conquête de toute l'Auvergne; mais son fils, Alaric II, monté sur le trône en 484, ne sut pas conserver le royaume que lui avait légué son père. Il périt en 507, à Vouillé, près de Poitiers, dans une bataille qu'il livra à Clovis, roi des Francs et fondateur de la monarchie française. L'Auvergne haute et basse tomba dès lors dans la possession du vainqueur, qui la transmit, après sa mort, à l'un de ses fils, Thierry ler, roi de Metz. En 550, pendant que Thierry faisait la conquête de la Thuringe, l'Auvergne essaya de se soustraire à sa domination, pour se donner à son frère Childebert. La vengeance du barbare fut terrible : " Suivez-moi, avait-il dit à ses fidèles, et je vous conduirai dans un pays où vous trouverez de l'or et de l'argent autant que vous en pourrez désirer, d'où vous enlèverez des troupeaux, des esclaves et des vêtements en abondance. "

Notre vieil historien national, Grégoire de Tours, cite Meriolacum (aujourd'hui Chastel-Marlhac) parmi les places qui se signalèrent par leur résistance. Thierry s'en alla gorgé de richesses, ne laissant derrière lui que le sol qu'il ne put emporter.

Aux Francs succédèrent, deux siècles plus tard (751), les Sarrasins, venus d'Espagne, puis, en 767, les bandes de Pépin et de Vaiffer, duc d'Aquitaine, et de 851 à 925, les Normands, qui ravagèrent, à cinq reprises, tout le pays, d'où les chassa enfin le comte d'Auvergne. Pendant toutes ces vicissitudes, la féodalité se constituait. Dès le neuvième siècle, quelques comtes ou barons, vassaux, dans l'origine, de la royauté, se déclarèrent indépendants (V. ci-dessous, Aurillac); d'autres, au contraire, se rendirent tributaires immédiats de la couronne, afin d'en obtenir protection au besoin soit contre le clergé, dont ils redoutaient la puissance, soit contre leurs vassaux, qui s'efforçaient partout de conquérir leur liberté. La première commune du Cantal ne devait pourtant être officiellement reconnue qu'en 1280.

Au quatorzième siècle (1332), Edouard III, roi d'Angleterre, réclama la haute Auvergne comme faisant partie de l'Aquitaine, qu'Éléonore de Guyenne, répudiée en 1152 par Louis VIl, avait apportée en dot à Henri Plantagenet. Les troupes anglaises ravagèrent tout le pays de 1357 à 1389. La ville d'Aurillac envoya à Charles VII un contingent de 200 hommes pour l'aider à chasser les Anglais de son royaume. Le roi, pour reconnaître ce service, visita cette ville et une partie de la Haute Auvergne en 1434. Il permit aux consuls de joindre à leurs armoiries trois fleurs de lys, que l'écusson aurillacois, dit M. Durif, porte depuis cette époque, en chef des coquilles qui composaient son blason primitif. En 1465, la féodalité, menacée par les mesures énergiques que prenait Louis XI pour la soumettre A la royauté, forma contre le roi la ligue appelée ligue du Bien-Public. Parmi les nobles et princes qui faisaient partie de cette ligue, se trouvait Jacques d'Armagnac, duc de Nemours et comte de la Marche. Plusieurs fois déjà Louis XI lui avait accordé un pardon complet. En 1475, indigné d'une trahison nouvelle, il le fit assiéger et prendre dans son château de Carlat, transporter à la Bastille, juger et exécuter.

En 1510, malgré l'opposition de la noblesse et grâce à l'énergie de Louis XII, l'Auvergne vit enfin publier ses coutumes codifiées.

Dès 1540, la réforme s'introduisit dans la haute Auvergne, où elle souleva les passions les plus violentes. Pendant plus de cinquante ans, la guerre civile désola ce malheureux pays; catholiques et protestants s'y rendirent tour à tour coupables d'abominables excès contre les monuments et contre les personnes. Pour n'en citer qu'un seul exemple, en 1569 les protestants, maîtres d'Aurillac, égorgèrent les malades dans les hôpitaux, qu'ils incendièrent après le massacre. L'abjuration d'Henri IV (1593), qui se fit catholique, mit seul un terme à cette effroyable guerre civile.

Sous Louis XIV, l'aristocratie féodale, dont les déprédations et les crimes avaient soulevé l'indignation universelle, fut tellement châtiée, dans les Grands Jours tenus en 1665 à Clermont, et dont Fléchier a laissé une relation du plus haut intérêt historique, que le Tiers-Etat put enfin se développer librement sous la haute tutelle de la royauté.

Une première fois, en 1213, Philippe Auguste avait réuni la Haute Auvergne au domaine royal; mais Louis IX et le roi Jean la donnèrent en apanage, l'un à son frère Alphonse, comte de Poitiers (1241), l'autre à son fils Jean (1360). En 1527, elle fut de nouveau réunie à la couronne, par dévolution et confiscation sur le connétable de Bourbon. En 1790, un décret de l'Assemblée constituante en forma le département du Cantal.


Les principales villes

Pour compléter cette courte esquisse de l'histoire du département, nous résumerons en quelques lignes celle de ses principales villes.

Aurillac

L'existence d'Aurillac (Aureliacum), dont l'origine paraît remonter à l'époque gallo-romaine, n'est positivement connue qu'à partir de 856, année de la naissance de saint Géraud, patron actuel de la ville. Saint Géraud reçut le jour dans le château même d'Aurillac, dont son père était seigneur. En 898, il fonda dans sa patrie l'abbaye qui plus tard porta son nom, et d'où sortit l'illustre Gerbert, premier pape français élevé sur la chaire de saint Pierre. En 1095, Urbain II, au retour de Clermont, consacra l'église du monastère ; Calixte II honora aussi Aurillac d'un séjour d'une semaine. Au treizième siècle s'organisèrent les coutumes municipales, malgré l'opposition des abbés, dont les consuls triomphèrent par la prise du château de Saint-Étienne (1255).

Pendant les guerres des quatorzième et quinzième siècles, Aurillac soutint plusieurs sièges contre les Anglais ; au seizième siècle, elle eut beaucoup à souffrir des guerres civiles et religieuses ; en 1569, elle fut livrée par trahison aux protestants et horriblement saccagée. Aurillac fut, avant la Révolution, le siège d'un présidial et d'une élection, avec le titre de capitale de la Haute-Auvergne. Outre son abbaye, elle possédait un couvent de cordeliers, et un couvent de carmes, ruiné en 1569.


Mauriac

Bien que, suivant certains auteurs, l'empereur Gratien eût un palais à Mauriac, et malgré la découverte de quelques antiquités gallo-romaines dans la ville ou dans les hameaux voisins, les premiers documents relatifs à cette cité ne remontent pas au delà du commencement du sixième siècle. A cette époque, un seigneur gaulois, Basolus, la défendit contre les Francs. Elle avait alors une certaine importance, puisque des monétaires y frappaient des monnaies d'or. Théodéchilde, petite-fille de Clovis, vint, dit-on, habiter cette ville et y fit élever, à Notre-Dame des Miracles, une chapelle à laquelle elle joignit plus tard un monastère, rebâti en 820 pour une communauté de bénédictins. L'histoire de Mauriac offre peu de faits dignes d'une mention : la translation dans le monastère des reliques de saint Mary en 1050; la reconstruction de l'église de Notre-Dame-des-Miracles au commencement du quatorzième siècle, et la prise de la ville par les Anglais, aux ordres de Robert Knolles (1357), puis par les protestants d'Henri de Bourbon, vicomte de Lavedan, en 1574. Ces derniers, mettant tout à feu et à sang, renversèrent les églises, les couvents et les murailles de la ville.


Saint-Flour

Au onzième siècle, Saint-Flour n'était qu'un pauvre village bâti sur le mont Indiciat (indicare). II possédait un oratoire dans lequel avait été enterré saint Florus, mort en 370, après avoir prêché l'Evangile dans la contrée. " Vers l'an 1002, il se fonda en ce lieu une abbaye affiliée à Cluny. Bientôt la montagne se couvrit de nouvelles habitations; mais Saint-Flour n'acquit une véritable importance que dans le quatorzième siècle. Erigée à cette époque en cité épiscopale, elle s'entoura de murailles et devint, par sa position inexpugnable, la clef de la Haute-Auvergne. " Dotée d'une charte communale par Charles V (1372), visitée par Charles VIl (1437), protégée par François ler, qui y établit un bailliage (1523), elle résista aux protestants en 1578, et fut ravagée par la peste en 1627. Aujourd'hui la ville de Saint-Flour, restée siège épiscopal, est devenue chef-lieu judiciaire.


Murat

Murat, dont l'origine est inconnue, grandit peu à peu sous la protection d'un château-tort, qui occupait le sommet du rocher de Bonnevie et que sa position rendait presque imprenable. De ce château, démoli par ordre de Richelieu, en 1633, il ne reste plus de vestiges. Pris par les Armagnacs, en 1414, après un siège de huit mois, rasé par Louis XI, qui donna la vicomté à J. du Mas, confisqué plus tard sur le connétable de Bourbon, Murat fut réuni à la couronne en 1532, après la mort de Louise de Savoie.

Personnages célèbres

Parmi les hommes célèbres nés dans le département du Cantal, il faut citer :

Neuvième siècle. - SAINT GÉRAUD, comte et baron d'Aurillac, né à Aurillac vers 855, mort en 909.

Dixième siècle. - GERBERT dit SILVESTRE II, pape (999- 1003), le plus grand savant de son siècle, philosophe, mathématicien, né à Aurillac vers 950, mort à Rome (1003).

Onzième siècle. - SAINT ODILON, cinquième abbé de Cluny, né en Auvergne, fut abbé d'Aurillac, écrivit la vie de saint Géraud (962-1049). - SAINT ROBERT, fondateur de l'abbaye de la Chaise-Dieu, né près du château de Reilhac, commune de Rouziers.

Treizième siècle, - GUILLAUME D'AUVERGNE, théologien, évêque de Paris (1228), né à Aurillac, mort à Paris (1248).

Quatorzième siècle, - PIERRE FORTET, chanoine de Notre-Dame de Paris, fonda, en 1391, un collège pour les écoliers indigents de son diocèse. Cet établissement fut supprimé en 1806 et réuni au collège Louis-le-Grand. - JEAN DE ROQUE-TAILLADE, cordelier et alchimiste, né à Yolet, mort en 1364.

Seizième siècle. - JEAN CINQ-ARBRES, professeur d'hébreu et de syriaque au Collège de France, né à Aurillac, mort en 1587. - JEAN BRISSON, bourgeois de Saint-Flour, se distingua, en 1578, par sa bravoure, en luttant contre les huguenots.

Dix-septième siècle. - FRANÇOIS LOMBARD, peintre, né près de Saint-Flour en 1607. - Louis LAPARA DE FIEUX, ingénieur, lieutenant-général, émule de Vauban, né à Bas-Bourlès (1651), tué au siège de Barcelone (1706). - ANNE-JULES duc DE NOAILLES, pair et maréchal de France, né à Aurillac (1650) ou à Paris (?), mort à Versailles (1708).

Dix-huitième siècle. - LOUIS-ANTOINE DE NOAILLES, frère du précédent, cardinal, archevêque de Paris (1695), né au château de Teissières, près d'Aurillac (1651), mort à Paris (1729). - l'abbé JEAN CHAPPE D'AUTEROCHE, astronome, membre de l'Académie des sciences, né à Mauriac (1722), mort en Californie (1769). - CHARLES, comte D'ANTERROCHE, s'illustra à la bataille de Fontenoy (1745), en prononçant ces paroles historiques : « Après vous, messieurs les Anglais. » - Louis DE BOISSY, auteur comique (1694-1758). - PIERRE-LAURENT BUYRETTE DE BELLOY, auteur dramatique, membre de l'Académie française, né à Saint-Flour (1727), mort à Paris (1775). - JEAN COFFINHAL (1754-1794), homme politique, né à Aurillac.

Dix-neuvième siècle. - ALEXIS-JOSEPH, baron DELZONS (1775-1812), général de division, né à Aurillac. - DOMINIQUE DUFOUR DE PRADT (1759-1837), publiciste et diplomate fameux, archevêque de Malines, né à Allanches. - DÉRIBIER du CHATELET (1779-1844), historiographe, statisticien du Cantal, né à Ydes.


Population, langue, culte, instruction publique

La population du Cantal s'élève, d'après le recensement de 1876, à 231 086 habitants (109263 du sexe masculin, 121823 du sexe féminin). A ce point de vue, c'est le 80ème département, c'est-à-dire l'un des moins peuplés de la France.

Le chiffre des habitants divisé par celui des hectares donne environ 40 habitants par 100 hectares ou par kilomètre carré; c'est ce qu'on nomme la population spécifique. Sous ce rapport c'est le 82ème département. La France entière ayant 69 à 70 habitants par kilomètre carré, il en résulte que le Cantal renferme, surface égale, 29 à 30 habitants de moins que l'ensemble de notre pays.

Depuis 1801, date du premier recensement officiel, le département du Cantal a gagné 8 253 habitants.

Le patois d'Auvergne, idiome usuel, sans grâce et sans harmonie, des populations cantaliennes, composé en grande partie de mots latins dénaturés avec des terminaisons en a, est une des formes du roman du midi de la France. Presque tous les habitants du Cantal sont catholiques. Sur les 231 867 habitants de 1872, on ne comptait que 17 protestants. Le nombre des naissances a été, en 1875, de 6216 (plus 183 mort-nés) ; celui des décès, de 4907; celui des mariages, de 1757.

La vie moyenne est de 41 ans 10 mois.

Les collèges communaux d'Aurillac, Saint-Flour et Mauriac ont compté, en 1876, 299 élèves; le petit séminaire de Pléaux, 194; les institutions secondaires libres, 162; 652 écoles primaires, 37838; 12 salles d'asile, 1219; 229 cours d'adultes, 2756.

Le recensement de 1872 a donné les résultats suivants

Ne sachant ni lire ni écrire 72477 Sachant lire seulement 46584 Sachant lire et écrire 107323 Dont on n'a pu vérifier l'instruction 5483 Total de la population civile 231867


Sur 31 accusés de crime, en 1873, on a compté :

Accusés ne sachant ni lire ni écrire 14 Accusés sachant lire ou écrire imparfaitement 11 Accusés sachant bien lire et bien écrire 5 Accusés ayant reçu une instruction supérieure 1