Pélamourgue

De WikiGenWeb
Aller à : navigation, rechercher

Jean Louis Benjamin de Pélamourgue Naissance : 6 octobre 1759 à Cassaniouze,15029,Cantal,Auvergne,France Décès : 8 mai 1801 à Mourjou,15136,Cantal,Auvergne,France Chevalier seigneur de Cassaniouze

Père: de Pelamourgue, Hugues Mère: Boygues, Elisabeth

Mariage: 1 février 1785 à Aurillac avec Collinet Niossel, Marie Antoinette Gabrielle Naissance : 5 juin 1765 à Aurillac,15014,Cantal,Auvergne,France Décès : 15 novembre 1845 à Cassaniouze,15029,Cantal,Auvergne,France de Collinet Niossel, Pierre Joseph et Vigier, Anne


Blason de Pelamourgue "De gueules, au lion rampant d'or" selon le vicomte de Lescure dans son "Armorial du Gévaudan". La famille de PELAMOURGUE est originaire du Gévaudan.

Le nom avec S final est une variante rare du nom PELAMOURGUES sauf pour les branches auvergnates (celles qui nous intéressent ici). Le blason est le même. (référence : Ambroise TARDIEU "Dictionnaire des anciennes familles de l'Auvergne").


On sait que la Convention décréta, en 1792, la vente, comme biens nationaux, de ceux appartenant aux nobles émigrés. L'exécution de cette loi fut la cause de l'épisode qui suit.

Jean-Louis-Benjamin Pélamourgue était, lorsque la Révolution éclata, seigneur de Cassaniouze ; il résidait, sur le territoire de cette paroisse, à la Guillaumenque. Sa femme, Catherine-Gabrielle-Marie, était la fille de Colinet de Niossel, qui fut massacré à Aurillac, en 1792.

Des premiers, Pélamourgue suivit l'émigration de la noblesse et quitta le pays. Il se rendit à Lyon, ville avec laquelle le Cantal a entretenu de tout temps de nombreuses relations, et il y prit part à la tentative contre-révolutionnaire des Princes, en décembre 1790. Il signa, en avril 1791, l'acte de Coalition d'Auvergne où son nom figure le 143° sur 308 signatures. A partir du 20 mars 1792, il séjournait ostensiblement à Lyon.

Le 26 juillet 1792, il figurait sur la liste des émigrés du département du Cantal, puis sur la liste générale dressée par la Commission des revenus nationaux et publiée dans le district d'Aurillac le 13 ventôse an II (3 mars 1794).

Conformément à la loi, les biens du seigneur de Cassaniouze, divisés en 14 lots, furent vendus nationalement du 5 au 21 floréal an II (24 avril-10 mai 1794). Six de ces lots - parmi lesquels la maison d'habitation de la Guillaumenque - furent adjugés à Jean Revel, maire de Cassaniouze, pour la somme de 47 975 livres.

En fructidor an II (août 1794), Mme de Pélamourgue, trompant la surveillance dont elle était l'objet, s'enfuit nuitamment de Cassaniouze, en abandonnant ses deux garçons et ses deux filles, dont l'aîné n'avait pas 8 ans. Les administrateurs du département, après avis favorable de ceux du district, arrêtèrent dans leur séance du 19 fructidor an II (5 septembre 1794), " que la municipalité de ,Cassaniouze serait tenue d'indiquer un citoyen patriote de ladite commune, à qui les enfants dudit Pélamourgue pourront être confiés, et que provisoirement, il serait payé au dit citoyen par mois et d'avance sur le produit des biens dudit Pélamourgue, une somme de 90 livres, à raison de 15 sols par jour et par enfant ".

L'année suivante, dans sa séance du 4 messidor an III (22 juin 1795), le Directoire du district d'Aurillac eut à examiner la pétition présentée par Mme de Pélamourgue tendant à obtenir la radiation de son mari de la liste des émigrés du district. Cette pétition était accompagnée de certificats délivrés par les municipalités de Lyon et de Cailloux-sur-Fontaine (Rhône), établissant que Pélamourgue avait résidé dans la commune de Lyon du 20 mars 1792 au 8 juillet 1793, et dans celle de Cailloux du 9 juillet 1793 jusqu'au 9 germinal an III (29 mars 1795).

Le Directoire donna un avis défavorable, à cause du retard apporté à faire cette demande.

Pélamourgue n'en rentra pas moins dans le pays et refusa d'accepter la situation qui lui était faite; s'estimant injustement dépossédé de ses biens, il voulut rentrer en leur possession. D'autre part, Revel, l'acquéreur de la Guillaumenque pensait qu'il était bien et dûment le propriétaire des terres qu'il avait achetées conformément aux lois et qu'il avait payées. Aussi opposa-t-il une fin de non-recevoir aux demandes de restitution qui lui furent adressées d'abord par Mme de Pélamourgue, ensuite par l'ex-seigneur de Cassaniouze lui-même.

Ce refus dut être d'autant plus sensible à celui-ci que d'autres qui avaient acquis de ses biens, dans les mêmes conditions que Revel avaient consenti, bon gré mal gré, à les lui rétrocéder. Aussi Pélamourgue jura-t-il à ce dernier une haine mortelle.

Signalement du seigneur de Cassaniouze adressé à la gendarmerie : " Taille d'environ 5 pieds, 4 pouces ; très robuste, cheveux courts et presque blancs, visage rond et large, chapeau à haute forme, vêtu d'une veste et d'un pantalon. " Il se mit à la tête d'une poignée d'hommes hors la loi, entre autres les émigrés de Bellegarde et de Pruines, celui-ci originaire de l'Aveyron, et les nommés Lérou-Lavige, Périer, Goubert et Battud, celui-ci condamné à mort pour assassinat, et déclara une guerre à mort à Revel, volant ses bestiaux, ravageant ses récoltes, tirant des coups de feu sur sa maison, si bien que, le 25 ventôse an VII (15 mars 1799), Revel adressait à l'administration centrale du département la dénonciation suivante:

" L'exposant a éprouvé des menaces d'être assassiné. En attendant qu'on put réaliser cette menace, on a commis plusieurs vols sur les fruits recueillis dans le domaine de La Guillaumenque. Des individus l'ont attendu en chemin avec des armes à feu pour lui ôter la vie ; différentes fois on les a vu rôder autour du ci-devant château de La Guillaumenque pour épier l'occasion de l'assassiner. Il présume que Pélamourgue. émigré rentré, est à la tête de ces brigands, qui, de temps à autre, viennent rôder nuitamment autour de son habitation, en brisant les portes à coups de pierre et avec d'autres instruments, s'introduisent dedans, volent, pillent, menacent, tirent des coups de fusil à son métayer et à ses domestiques, se livrent en un mot aux excès les plus criants, en sorte qu'il a été obligé d'abandonner son domicile et de le transférer au lieu de Montsalvy : si bien que les fermiers, journellement harcelés par les brigands et les prêtres réfractaires ne veulent plus cultiver ses propriétés. "


L'administration du département,

Vu le procès-verbal de l'agent et de l'adjoint de la commune de Cassaniouze du 21 du présent mois, portant que, sur la réquisition du métayer du domaine de La Guillaumenque, ils s'y sont transportés à l'effet de constater conformément à la loi du 10 vendémiaire an IV, les délits contre la personne et les propriétés dudit Revel et de son métayer, qu'ils ont remarqué sur la porte d'entrée de la maison du métayer des empreintes de grains de plomb sur les pierres de la même porte ; qu'ils ont pareillement remarqué, sur le volet d'une fenêtre de l'étable, des grains de plomb et de fer et une balle ; que le métayer leur a déclaré que, le 17 du présent. étant dans la grange dudit domaine avec son beau-frère et sa fille, un coup de fusil parti du coin du château avait blessé sa fille en deux endroits, etc...

... Arrête :

Art. 2. - Les administrations municipales des cantons de Maurs et Montsalvy sont chargées d'exercer la surveillance la plus active contre les prêtres réfractaires qui pourraient se réfugier dans leurs cantons et contre la femme et les parents de l'émigré Pélamourgue et de rendre compte dans le plus bref délai à l'administration centrale de leur conduite...

Mais enquête et recherches ne donnèrent aucun résultat. Pélamourgue et sa bande étaient dans un pays qu'ils connaissaient. En effet, moins de trois mois après, dans la nuit du 19 au 20 prairial (7-8 juin), Pélamourgue et sa bande tentaient un nouveau coup de main à La Guillaumenque, pour enlever les bestiaux de Revel.

Celui-ci prévenu, s'était mis en embuscade avec trois gendarmes. Vers minuit, ils aperçurent cinq individus qui s'acheminèrent vers l'étable, puis essayèrent d'en forcer la porte. A ce moment l'un d'eux, qui n'était autre que Battud, aperçut Revel dans l'obscurité, et le prenant pour un de ses camarades se dirigea de son coté, mais s'apercevant de sa méprise, il se jeta sur lui. Au bruit de la lutte, un des gendarmes, Antoine Bouigues, accourut. Battud, lâchant Revel, tira sur le nouvel assaillant un coup de pistolet qui le renversa mort. Les autres "brigands " firent une décharge de leurs armes au hasard, et prirent la fuite. Le gendarme Brieude fut atteint à une main et au bas-ventre, et un troisième nommé Auzolle, eut son chapeau traversé d'une balle.

L'administration centrale du département, vivement émue de ce nouvel exploit de Pélamourgue qui avait coûté la vie à un représentant de l'autorité, prit le 22 prairial les mesures suivantes :

Art. 1. - L'une des deux brigades de la gendarmerie en résidence à Aurillac sera envoyée à Montsalvy avec six hommes pris dans le détachement du 2le régiment de cavalerie. pour y être stationnés jusqu'à nouvel ordre, et y faire le service de la gendarmerie.

Art. II. - Il sera envoyé dans la commune de Cassaniouze et aux frais des habitants d'icelle un détachement de 30 hommes pris dans la colonne mobile de la garde nationale d'Aurillac ; chacun d'eux recevra 5 francs par jours ; ils en seront payés de trois en trois jours et d'avance.

Ces mesures qui n'avaient d'autre résultat que de pressurer outre mesure des populations peu fortunées, furent complètement inefficaces. Aussi huit jours après, le 1er messidor, l'administration centrale, " considérant que dans le canton de Montsalvy, où les habitations sont isolées et éloignées les unes des autres, il est très possible que des brigands étrangers à une commune y exercent leurs ravages sans que les habitants en aient la moindre connaissance et puissent prévenir à temps leurs sinistres intentions... ", se voyait-elle obligée de retirer la force armée.

Peu de temps après, Pélamourgue se signalait par un nouvel "exploit" qui dépassait les ordinaires manifestations de sa haine pour Revel. L'assassinat de deux gendarmes à Montsalvy.

Le 19 ventôse an VIII (10 mars 1800), le baron Riou, préfet du Cantal depuis le 11 ventôse, prenait connaissance d'un rapport du citoyen Costes, brigadier de la gendarmerie nationale, en résidence à Montsalvy, daté de l'avant-veille,

" duquel il résulte que la brigade de cette résidence avait arrêté dans la commune de Sénezergues. le nommé Méallet de Poivrières, prêtre insermenté porté sur la liste des émigrés, qu'elle l'avait conduit à Montsalvy pour le transférer le lendemain dans la maison d'arrêt de la commune d'Aurillac, que, sur les huit heures du soir de la même journée, le citoyen Méallet, frère dudit prêtre, proposa à la brigade de le relâcher, et offrit de donner ce qu'elle voudrait, que sa proposition fut rejetée, et que le lendemain, 18, ont fit partir ledit Méallet, prêtre, pour Aurillac, sous la conduite des citoyens jean Auzolle et Christophe Assier, gendarmes de la résidence... qu'arrivés auprès de la forêt de Mayenobe, dans la commune de Labesserette, et étant descendus de cheval, les deux gendarmes furent assassinés sur la grande route par une troupe de brigands armés qu'on dit être au nombre d'une vingtaine... "

On sut plus tard que les meurtriers étaient Pélamourgue, de Bellegarde et de Pruines.

Le meurtre de deux gendarmes et la délivrance d'un prêtre réfractaire posaient Pélamourgue en champion de la contre-Révolution. Il fallait agir efficacement et rassurer à tout prix les partisans de l'état de choses issu de 1789.

Le préfet ordonna donc le stationnement à Montsalvy de 12 hommes du 7e régiment de chasseurs à cheval, alors en garnison à Aurillac, et d'une seconde brigade de gendarmerie. De plus, il décida de prendre, sur les fonds des dépenses imprévues, une somme destinée à récompenser ceux qui feraient ou faciliteraient l'arrestation des coupables.

Mais ces mesures n'aboutirent à rien, et quelques mois après, le 7 fructidor (25 août), le préfet donnait au commandant de la gendarmerie nationale du département des instructions précises sur le même sujet :

" L'expédition que vous allez faire dans le ci-devant canton de Montsalvy pourrait être une occasion favorable sinon pour arrêter cet homme, du moins pour acquérir, sur les lieux où il se réfugie, les personnes qui lui donnent asile, des renseignements qui pourraient faciliter dans un autre moment cette capture... On m'assure qu'il se tient tantôt chez sa femme, au Roc, même commune, chez Jalenques, son beau-frère, à Mourjou, chez Bonafos, au château de Lamotte, à Cassaniouze, chez Battud, de Lafon, ou au village de Saint-Projet, chez Pons, dans la maison du nommé Piganiol de Roquemaurel, dans celle de Sénezergues, chez Gaubert, du Mas, chez le fermier du château ou chez Bonnal, de Laborie, aubergiste, enfin à Vieillevie, chez Jean Bazet, dit Duran, du bourg, aubergiste, son parent.

En même temps, le préfet du Cantal avertissait son collègue de l'Aveyron " qu'il était à présumer, qu'instruit de la présence de la force armée envoyée dans le canton de Montsalvy, Pélamourgue se retirerait sur le territoire de l'Aveyron, et particulièrement dans le bourg de Grand-Vabre, ou au village de Laborie al Gal, commune de Noalhac, chez un nommé Fontanier."

Mais, comme auparavant, Pélamourgue restait insaisissable et, trompant Gendarmes et autorités, continuait ses persécutions contre son ennemi. Dans la nuit du 24 au 25 vendémiaire an IX (16-17 septembre) il enlevait à Revel 4 génisses, un taureau, une paire de boeufs, 10 vaches et 4 veaux dont on ne trouva pas la trace, grâce à la complicité de receleurs.

Il le faisait avertir que s'il ne rendait pas les biens qu'il avait acquis, ses propriétés seraient incendiées sans délai. Le 4 frimaire an IX (25 novembre 1800) il se rendait en plein jour à Calvinet, avec sa bande armée de fusils à deux coups. Il rangeait sa troupe en bataille sur la place publique, et établissait son corps de garde dans le Palais de Justice de l'ancien bailliage. En même temps, il faisait engager Revel, par des prêtres réfractaires, à se rendre à Calvinet, ce que l'autre n'avait d'ailleurs - et avec raison garde de faire.

" Le même jour, lit-on dans une lettre du préfet du Cantal au ministre de la police, du 10 frimaire, la maison d'origine du sieur Revel fut investie, mais il n'y était plus. Ses suivants, ses fermiers et ses domestiques en ont été chassés et les portes et fenêtres brisées. Il en a été de même au ci-devant château de l'émigré, où Pélamourgue a lui-même fermé à clef les écuries et les greniers à foin, de manière que tous les biens du citoyen Revel, situés dans la commune de Cassaniouze, sont aujourd'hui abandonnés... Après les menaces de l'émigré, qui serait assez osé de cultiver son bien ?

Et le préfet expliquait qu'il était nécessaire de recourir à des moyens de répression extraordinaires :

Je ne puis pas me persuader qu'un gouvernement aussi puissant que celui de la République puisse souffrir plus longtemps qu'une horde aussi méprisable le brave impunément. Bien convaincu que les habitants de Cassaniouze. quoique garants des dommages éprouvés par le citoyen Revel, ne parviendront pas à se rallier pour donner la chasse à son ennemi, j'ai arrêté avec le général Colomb, commandant dans ce département, d'envoyer une force armée en station dans cette commune, mais cette force qui, vu l'état de dénuement où nous sommes, ne peut être composée que d'une poignée de chasseurs du dépôt de la 25e demi-brigade, de quelques vétérans éclopés et de 15 à 18 gendarmes pris dans diverses brigades, ne peut pas être toujours à demeure dans un pays dénué de tout, et où, avec sa solde, vu la mauvaise volonté de l'habitant, elle mourra de faim. D'ailleurs je suis forcé de dégarnir les autres points du département pour protéger celui-là et je ne puis pas me promettre que je ne sois forcé de courir au plus pressé.

L'arrondissement d'Aurillac jouirait du calme le plus profond, sans quelques communes des ci-devant cantons de Montsalvy et Maurs, telles que Cassaniouze, Sénezergues. Mourjou et quelques autres avoisinant le Lot. Deux brigades de gendarmerie dans ces deux cantons y dépensent l'argent de la République et y sont aussi nulles que si elles en étaient à cent lieues. Les gendarmes qui voudraient y faire leur devoir seraient bientôt signalés et fusillés au premier moment favorable. Vous savez que trois de la brigade de Montsalvy ont péri de mort violente dans l'espace d'une année, que deux ont été assassinés sur une grande route à demi-lieue de cette commune et pas un témoin n'a été en état ou n'a eu la volonté de déposer dans la procédure qui a été instruite.

Je suis très convaincu, C. M., que pour faire exécuter les lois dans ces deux ci-devant cantons, il ne suffit pas de deux brigades de gendarmerie. Il faut, jusqu'à des temps plus heureux, cantonner non à Montsalvy, mais à Calvinet, point central entre les deux très mauvaises communes de Cassaniouze et de Mourjou, trois brigades à pied de dix hommes chacune, en placer autant à Maurs et les faire commander par de bons officiers. Le moment est favorable ; le ministre de la guerre s'occupe de l'organisation de ce corps. Je vous invite à lui en faire la proposition. "

Ces projets n'aboutirent pas, et le préfet fut même obligé de renoncer à cantonner dans le pays une force armée, un ordre du ministre de la guerre ayant retiré les chasseurs d'Aurillac. Le baron Riou, désireux de frapper l'esprit des populations aussi bien que de, se rendre par lui-même compte de la situation, se transporta alors en personne les 25, 26 et 27 frimaire (16-18 décembre) dans les communes de Calvinet et de Cassaniouze, accompagné du juge de paix et de 25 gendarmes, et, pour punir les habitants de cette dernière commune de leur silence qui les faisait complices de Pélamourgue et de ce qu'ils n'avaient jamais prêté secours à Revel, contre son agresseur, il prit, le 28 frimaire, un arrêté appliquant à Cassaniouze la loi du 10 vendémiaire qui l'obligeait à entretenir de leurs deniers la force armée qu'on y cantonnait.

Mais le préfet ne s'illusionnait pas sur les résultats que devait produire cette mesure de rigueur.

" Je ne vous tairai pas néanmoins, écrivait-il, le 30 frimaire, au ministre de la police, que cette mesure qui écrasera les habitants de Cassaniouze, ne produira pas l'effet que nous devons en attendre, que les habitants paieront, mais ne se donneront pas plus de soin pour empêcher de pareils désordres de se renouveler... "

Et il ajoutait :

" Le seul moyen qui peut couper la racine du mal serait l'arrestation de Pélamourgue et de Battud, qui sont les deux chefs. On n'y parviendra jamais par les moyens ordinaires. Il faut qu'elle soit concertée avec le préfet de l'Aveyron ; il faut des espions et de 1'argent comptant. "

Ce dernier thème revient, à partir de cette lettre, dans toute la correspondance du préfet avec le ministre. Le 16 germinal an IX (6 avril 1801), il lui écrit de lui envoyer d'urgence les fonds qu'on lui avait promis, que le 10 germinal, il s'était commis un nouvel assassinat sur la personne de Pierre Cailar, propriétaire de la commune de Sénezergues, tué, la nuit, devant la porte de sa maison, et qu'on attribuait ce meutre à la bande de Pélamourgue.

Cependant, l'étoile de celui-ci commençait à pâlir. Deux membres de sa bande, les nommés Périer et Goubert furent arrêtés, par la gendarmerie, et leur procès instruit à Aurillac. D'autre part, le sang qu'il n'avait pas hésité à verser avait peu à peu détourné de l'émigré les sympathies de beaucoup de gens de son parti et de sa classe. C'est ce que donne à entendre la correspondance du préfet du Cantal. Celui-ci dans sa lettre du 16 germinal, s'exprime en ces termes :

" Je négocie avec les parents de la femme Pélamourgue qui jouissent d'une très bonne réputation dans ce département et qui ne partagent point la façon d'un pareil scélérat... Je crois au surplus devoir vous instruire que Pélamourgue est en horreur aux hommes de son ancienne caste, qu'il n'en est pas un qui ne désire ardemment de voir notre département débarrassé de sa présence. "

Neuf jours après cette lettre, le préfet annonçait au ministre de la police l'assassinat de Revel par Pélamourgue, qui était enfin parvenu au but qu'il poursuivait depuis plus de deux ans.

Revel s'était retiré à Aurillac avec sa famille. Le 24 germinal an IX (14 avril 1801), malgré la recommandation expresse du préfet de ne pas se montrer dans le canton, il voulut se rendre à la foire de Montsalvy du 15 avril. Pour comble d'imprudence, il se fit amener à Aurillac un cheval par un de ses fermiers. Cela donne l'éveil à Pélamourgue, qui avec quelques fidèles, se rendit jusqu'auprès d'Arpajon. Lorsqu'ils virent apparaître Revel qui cheminait avec son compagnon de voyage, ils le suivirent en côtoyant le chemin jusqu'à une petite distance du bourg de Prunet, dans un fonds. Le lieu leur paraissant favorable, ils parurent soudain à 15 pas de Revel, lui crièrent d'arrêter et déchargèrent sur lui leurs armes. Revel expira sur le coup sans pousser un seul cri. Après quoi les assassins disparurent.

Pélamourgue ne survécut pas longtemps à sa victime. Rapport officiel adressé par le préfet au ministre de la police, en date du 20 floréal an IX (10 mai 1801) :

" Par ma lettre du 18 de ce mois, je vous ai annoncé la mort de Benjamin Pélamourgue.

... Après différentes tentatives infructueuses, je me rendis certain qu'en employant les moyens ordinaires je ne viendrais jamais à bout de mes desseins... il fallait employer l'espionnage ; vous m'autorisâtes à sacrifier une somme de 1.200 francs. Je dressai mes batteries en conséquence, et je ne tardai pas à acquérir la conviction que je réussirais.

Dès le 2 ventôse, je réunis sous des prétextes plausibles, dans les communes de Maurs et Montsalvy, quelques brigades de gendarmerie nationale. Elles reçurent du citoyen Chevalier, capitaine commandant, l'ordre d'obéir au citoyen Chabanon, maréchal des logis à la résidence de Maurs. Ce sous-officier, qui avait et méritait toute notre confiance, fut chargé d'employer des hommes sûrs pour faire surveiller toutes les démarches de Benjamin Pélamourgue.

Le 17 de ce mois, il fut averti qu'on l'avait vu passer dans la commune de Mourjou, et on lui donna l'assurance qu'il passerait la nuit dans la maison de sa femme. Il donna sur-le-champ des ordres aux brigades qui étaient sous son commandement, de se réunir à Saint-Antoine-de-Marcolès. Il se mit à leur tête à une heure de la nuit et dirigea sa troupe vers le bourg de Mourjou, où elle arriva à 5 heures du matin. La maison de la femme Pélamourgue fut investie, et il lui fut fait sommation d'en ouvrir les portes.

Le citoyen Chabanon n'avait pas été trompé par les espions, l'émigré était en effet avec sa femme. Au bruit qu'il entendit, il s'esquiva par la porte de derrière, armé d'un fusil à deux coups et d'un poignard. Mangin, gendarme de la brigade de Maurs, qui malheureusement se trouva près de lui, le saisit au milieu du corps, mais plus faible que l'émigré, il fut terrassé et périt sous ses coups. Aussitôt l'émigré rentre et referme brusquement la porte. Elle est enfoncée à l'instant. Plusieurs gendarmes, à la tête desquels était le citoyen Chabanon, pénètrent dans la maison. Ils sont reçus par l'émigré du haut de l'escalier, à coups de fusil. Le citoyen Chabanon est atteint d'un coup mortel ; les autres n'en avancent pas moins et se jettent sur lui. Tandis qu'ils sont aux prises et qu'ils sont déchirés à coups de poignard, un coup de fusil bien dirigé l'étend mort à leurs pieds.

Ainsi la force armée a-t-elle fait preuve du plus grand courage. L'infortuné Chabanon qui est monté le premier dans la maison, bravant la mort presque certaine, et les citoyens Lollié et Didelot qui l'ont suivi. Le gendarme qui l'a privé de la vie se nomme Terrisse. Il appartient à une des brigades d'Aurillac. Pour apprécier cette importante expédition. il faut se représenter Pélamourgue comme un scélérat déterminé à vendre chèrement sa vie, et réunissant le sang-froid de l'intrépidité à l'adresse et à une force de corps gigantesque... Je ne cesserai pas d'être aux trousses du reste de sa bande j'en ai déjà trois dans la maison d'arrêt. "

En même temps, le préfet réclamait l'envoi des 2.400 francs promis, afin de récompenser "les braves gens qui ont si généreusement exposé leur vie dans cette circonstance ainsi que les familles des défunts ".

Un rapport postérieur annonçait qu'au moment où les gendarmes étaient aux prises avec Pélamourgue, ils virent sortir d'une grange voisine Battud en chemise. Ne pouvant le poursuivre, ils lui tirèrent un coup de pistolet qui le renversa, mais sans le blesser assez dangereusement pour l'empêcher de se sauver.

Avec M. de Pélamourgue disparut l'âme de la contre-Révolution. M. de Bellegarde était mort, lui aussi, et M. de Pruines avait quitté la partie. Leurs complices, traqués sans relâche, ne tardèrent pas à tomber au pouvoir de la justice. Quelques jours après la mort de son chef, le nommé Lerou-Lavige " homme paraissant jouir de quelque faveur parmi la bourgeoisie de ce pays ", était arrêté, et, quelques mois après, c'était le tour de son compagnon Lassales dont le préfet du Cantal annonçait en ces termes, le 8 vendémiaire an X (30 septembre 1801), la mort au Ministre de la Police :

" Je vous annonce avec quelque satisfaction que jean Lassales, de la commune de Sénezergues, digne compagnon de Pélamourgue, vient d'avoir le même sort que lui. Je vous transmets le procès-verbal qui s'est dressé après la découverte de son cadavre. J'aurais préféré qu'il fût pris vivant, mais cela était pour ainsi dire impossible. J'avais autorisé depuis six mois environ, le maire de la commune de Junhac, fonctionnaire rempli de zèle, à promettre des congés à quelques réquisitionnaires ou conscrits qui voudraient se charger de surveiller ce brigand et le livrer à la justice. Quatre de ces jeunes gens, dont l'un s'était pourvu en exécution de la loi du 17 ventôse, et dont les autres, obligés de vivre de leur travail, avaient négligé ou ignoré les formalités voulues par cette loi, se dévouèrent avec plaisir à la tâche pénible qu'on leur proposa. Ils commencèrent par gagner la confiance de Lassales ; leur qualité de conscrits ou réquisitionnaires non congédies, lui inspira d'abord une certaine sécurité mais jamais assez pour se déterminer à leur accorder une confiance entière, de sorte qu'il leur fut jusqu'à ce moment impossible de le faire prendre ou de l'arrêter eux-mêmes. Il leur communiqua néanmoins le projet qu'il avait d'aller assassiner le maire de Junhac à qui il en voulait depuis longtemps et leur assigna à cet effet un rendez-vous. Deux d'entre eux y manquèrent pour aller prévenir le maire leur absence réveilla ses soupçons. Il s'éleva à ce sujet entre lui et les deux qui l'accompagnaient une rixe assez vive qui obligea ces derniers à prévenir le cours de la justice en cherchant à défendre leurs jours. Il reçut trois coups de fusil au moment où il saisissait ses armes.

Cette mort devenait nécessaire à leur sûreté dans cette circonstance ; ce brigand d'une force extraordinaire avait huit coups à tirer, et se serait facilement et à coup sûr défait d'eux, puisqu'il était alors certain qu'ils le trahissaient. "

Enfin, le 22 nivôse (12 janvier 1802), Battud qui, jusque-là, avait échappé à toutes les poursuites, était pris en des circonstances assez curieuses.

" Le brigadier de Montsalvy apprit qu'un mariage devait se faire dans la maison dudit Battut le 21 de ce mois, et il lui fut assuré que celui-ci assisterait à la fête qui aurait lieu à cette occasion. Il fit, en conséquence, ses dispositions pour s'y transporter. Il requit le commandant du détachement stationné à Montsalvy de lui prêter main-forte pour une expédition secrète. Celui-ci l'accompagna avec 13 fusiliers. Après cinq heures de la marche la plus pénible, ils arrivèrent au village de Lafont, commune de Cassaniouze, où est située cette maison, vers les huit heures et demi du soir. Ils l'entourèrent ; le brigadier et ses gendarmes avec le commandant du détachement entrèrent l'épée à la main dans la maison, et saisirent Battud au milieu d'une trentaine de ses parents et amis. Le surplus du détachement qui les suivit au même instant la baïonnette au bout du fusil contint cette assemblée au point qu'il n'y eut pas de résistance soit au moment de l'arrestation, soit pendant la conduite dudit Battud à Aurillac. "

Le procès de Battud eut lieu devant le tribunal criminel du département du 20 au 29 prairial an IX (9-18 juin 1802). Treize autres prévenus, assistés par 5 avocats, figuraient au procès ; 437 témoins furent entendus.

Les jurés délibérèrent pendant 30 heures. Le tribunal leur avait soumis 5.223 questions résultant de 21 délits détaillés dans l'acte d'accusation. Battud et Antoine Périer furent condamnés à mort, deux autres accusés, à 6 ans de détention, un à 6 ans de fers, un à 4 mois de détention et à l'amende ; 8 furent acquittés.

Le 24 thermidor suivant (12 août), Battud et Périer montèrent sur l'échafaud.

Ainsi se termina la chouannerie du Cantal.